Lettres d’Italie
« Les Lettres d’Italie nous renseignent sur la manière dont on voyageait en Italie au XVIIIe siècle et sur ce qui pouvait intéresser les touristes cultivés. Ils ne devaient craindre ni la fatigue…
Charles de Brosses est né à Dijon en 1709, mort à Paris en 1777. […] Il vit en plein xviiie siècle, qu’il représente par plus d’un trait, et dont les vicissitudes l’ont parfois affecté.
Il appartient à une famille d’ancienne noblesse. […] N’eût-il pas été gentilhomme, de Brosses n’eût pas rencontré, comme il fit, le Pape, certains cardinaux, le Prétendant au trône d’Angleterre, la Duchesse de Modène, et d’autres personnages de diverses grandeurs.
La naissance, la fortune, première conjonction favorable, premières fées sur ce berceau. Il y en eut d’autres. L’une à coup sûr était absente : celle qui dispense la grâce physique. […] De Brosses se voyait tel qu’il était, et, des divers partis possibles, il a pris le plus sage : celui d’en sourire ou d’en rire et d’ironiser sur soi-même.
Au fond, ce sur quoi il faut insister est son heureux naturel. […] Les Lettres résonnent encore après deux siècles des éclats d’un rire juvénile, qui se communique au lecteur.
Dans ces conditions, nulle surprise à constater qu’au moral, chez de Brosses, il n’y a ni débat, ni problème. Il « fonctionne » bien. Il est en règle avec lui-même, avec la société, avec la morale courante, point trop vétilleuse. Aussi va-t-il jeter sur ce monde italien le regard objectif et libre des hommes qui ne s’embarrassent point de leur propre personne et ne se doutent même pas de ce que peut être un conflit avec elle. […] « Ces coutumes, ces mœurs, comme tout cela est étrange. Pas si étrange, puisque cela est. Et, — nuance de Brosses — à tout prendre, tout cela est bien moins étrange qu’amusant ». Qu’il s’agisse en effet des mauvaises mœurs des Florentins, ou de la licence vénitienne, ou de la tricherie générale, de Brosses, loin de s’indigner, s’amuse. De sorte que, dans ces Lettres où nous aurions pu rencontrer la Satire, la Censure et leur amertume, nous découvrons une vaste comédie baignant dans la douceur de vivre.
Chez de Brosses, il n’y a pas plus d’inquiétude métaphysique ou religieuse qu’il n’y a d’inquiétude morale. […] Quel que soit l’objet de son attention, clercs ou laïcs, l’esprit demeure le même : c’est un étonnement amusé. Plus précisément, il est surpris, il admet, il s’amuse. Du népotisme des Papes, ces vieillards montés trop tard sur le trône de Saint-Pierre, et qui ne songent plus qu’à combler leur famille ; de ces couvents de femmes qui le disputent à qui fournira une maîtresse au nouveau nonce ; de ces religieuses qui règlent leurs affaires de cœur à la loyale et au poignard, de cent traits de mœurs du même genre.
[…]
Discours prononcé par Monsieur le conseiller Giraud, pour l’audience solennelle de rentrée de la Cour d’Appel de Constantine, le 2 octobre 1957.
« Les Lettres d’Italie nous renseignent sur la manière dont on voyageait en Italie au XVIIIe siècle et sur ce qui pouvait intéresser les touristes cultivés. Ils ne devaient craindre ni la fatigue…